30/11 (suite) : Alors qu’on se disait dans la voiture cet aprĂšs-midi que cela Ă©tait dommage que l’on n’ait pas rencontrĂ© de « caldoches Â», notre vƓu fut exaucĂ© quelques heures plus tard. AprĂšs une route dans la bonne humeur, toujours en musique, parsemĂ©e de bonjour Ă  droite, bonjour Ă  gauche, Ă  un doigt pour les plus flemmards â˜đŸŒ, avec la main pour les plus enthousiastes đŸ‘‹đŸŒ, ou Ă  deux doigts pour l’intermĂ©diaire âœŒđŸŒ, nous arrivons au camping de Tiakan. Cela semble fermĂ©, il est 17h30, un cadenas sur une chaĂźne đŸ” assure la sĂ©curitĂ© des lieux. À cĂŽtĂ© de la barriĂšre, un petit passage, on s’y aventure Ă  pieds pour chercher quelques infos. On tombe sur un groupe de 4 français qui jouent aux cartes Ă  cĂŽtĂ© de leur case🃏. On leur demande si le camping est ouvert « oui oui bien sĂ»r, la personne a du repartir mais vous pouvez vous installer juste ici, sous la case pour vous abriter de la pluie s’il en tombe cette nuit. Plus loin vous trouverez les toilettes et les douches avec eau chaude etc. Â» trop adorables. On retourne donc chercher notre voiture (la cadenas n’était en fait pas fermĂ©) et nous nous installons. On croise de nouveau ces personnes aux sanitaires, le premier couple est formĂ© par une dame ĂągĂ©e de plus de 70 ans et son mari. On saura le lendemain demain matin qu’ils se prĂ©nomment Dan et Bob. On papote, on papote. Un autre couple est avec eux, plus jeune, la cinquantaine ou soixantaine. La dame s’appelle Nicole et le monsieur on ne sait pas. On comprend que les deux femmes sont « calĂ©doniennes Â» ; leurs ancĂȘtres vivaient en Nouvelle-CalĂ©donie depuis 5 gĂ©nĂ©rations ; depuis 1853. C’est l’annĂ©e d’annexion de la CalĂ©donie par la France. Ce sont ces descendants qui sont appelĂ©s « caldoches Â». Le surnom est plutĂŽt pĂ©joratif et ces personnes nous expliquent que ce terme a Ă©tĂ© largement diffusĂ© par les journalistes Ă  partir des annĂ©es 90 (aprĂšs les « Ă©vĂ©nements Â») au grand damne de ceux qui se considĂšrent comme « calĂ©doniens Â».

Ils n’apprĂ©cient pas du tout ce surnom.


Facultatif 😅 : [on entend par « Ă©vĂ©nements Â» les annĂ©es de revendications indĂ©pendantistes de 1984 Ă  1988, durant lesquelles on dĂ©nombre plusieurs assassinats de kanaks notamment mais aussi de français]


Certains (pas Mathilde), nous avaient dĂ©peint des personnes plutĂŽt fermĂ©es, avec des prĂ©jugĂ©s. Ça n’est pas du tout ce que l’on a ressenti en discutant avec ces personnes trĂšs chaleureuses, la vieille dame Ă©tait un puit de savoir, elle a vĂ©cu 10 ans au SĂ©nĂ©gal avant ses 18 ans, en Mauritanie puis en mĂ©tropole avant de revenir s’installer en CalĂ©donie avec toute sa famille il y a 28 ans. Ses enfants et petits enfants vivent Ă©galement ici. On aurait pu passer la soirĂ©e Ă  Ă©couter ses anecdotes. Mais nos voisins calĂ©doniens Ă©taient attendus pour l’apĂ©ro, on a du leur dire au revoir. On est trĂšs heureuses d’avoir pu les rencontrer et discuter avec eux, ils nous laissent une belle image de ces personnes issues des gĂ©nĂ©rations de colons et/ou de bagnards (pour leur part envoyĂ©s sur l’üle afin d’y effectuer des travaux de construction aprĂšs que l’üle du Diable en Guyane ne reçoive plus de bagnards). Le mari de l’autre couple a organisĂ© la transcalĂ©donienne pendant presque 30 ans (un trail difficile de deux jours qui passait Ă  travers les tribus kanak). 


On n’a pas parlĂ© patrimoine avec eux, mais apparemment, les calĂ©doniens sont plutĂŽt argentĂ©s puisqu’il leur avait Ă©tĂ© remis des terrains gigantesques Ă  leur arrivĂ©e pour les colons ou aprĂšs leur peine aux bagnards. Certains possĂ©dant donc carrĂ©ment des montagnes, d’autres ayant des parts importantes dans l’exploitation des mines de nickel etc. D’ailleurs l’une des devise ici est : « Tu es toujours chez quelqu’un en CalĂ©donie Â» (le moindre centimĂštre carrĂ© de terrain appartient Ă  quelqu’un).


Ps « Point Histoire Â» (facultatif) : c’est Ă  l’issue des « Ă©vĂ©nements Â» (de 1984 Ă  1988) qu’ont lieu les accords de Matignon en 1988, qui permettent le rĂ©Ă©quilibrage politique et Ă©conomique entre les diffĂ©rentes communautĂ©s. Il en Ă©merge 3 provinces : 

  • Province Sud (qui comprend NoumĂ©a), plutĂŽt occupĂ©e par les zoreilles (les français expatriĂ©s qui ne restent qu’un ou deux ans) et les calĂ©doniens 
  • Province Nord occupĂ©e par les kanaks 
  • Province des Ăźles LoyautĂ©s ; kanak Ă©galement, elle comprend OuvĂ©a, l’üle sur laquelle nous Ă©tions la semaine derniĂšre 

L’argent est redistribuĂ© entre les 3 provinces. Ce qui pourrait peut ĂȘtre agacer un peu les calĂ©doniens (ceux d’origine) d’aprĂšs ce qu’on a compris entre les lignes.

Ces accords prĂ©voient l’organisation d’un rĂ©fĂ©rendum dans les 10 ans. 


Finalement 10 ans plus tard en 1998, le TOM (Territoire d’Outre Mer) est transformĂ© en POM (Pays d’Outre Mer) ; en effet, il existe en CalĂ©donie un gouvernement local. C’est l’accord de NoumĂ©a. Cet accord prĂ©voit aussi 3 rĂ©fĂ©rendums 20 ans plus tard pour sceller le sort de la CalĂ©donie. C’est ainsi que les 2 premiers ont eu lieu : 

  • en 2018 (le non (Ă  l’indĂ©pendance) l’emporte Ă  56,7%) 
  • puis en 2020 (nouvelle victoire pour le non (53%)). 

Le 3Ăšme Ă©tait prĂ©vu en dĂ©cembre 2021🗳, mais les kanak qui respectent une durĂ©e de deuil d’un an, ne se sont pas rendus aux Ă©lections, invoquant les deuils liĂ©s au Covid. Sujet encore divergent avec les calĂ©doniens qui nous assurent que les kanak se sont par contre rendus aux Ă©lections lĂ©gislatives qui avaient lieu durant la mĂȘme pĂ©riode.

La conclusion est que la Nouvelle-Calédonie est toujours française et a priori, le restera.


Pour finir et comme dirait Dan, la vieille dame đŸ‘”đŸŒ : « les gens qui voyagent se rencontrent toujours Â» đŸ§łâœˆïžđŸŒ